L’éléphant dans la pièce : l’absence des enseignants aux événements artistiques

Je travaille ces jours-ci pour un client qui veut favoriser un rapprochement entre le milieu de la diffusion des arts de la scène et celui de l’enseignement secondaire et postsecondaire. Il souhaite développer des approches qui amèneront les élèves âgés de 16 ans et plus à fréquenter des lieux de diffusion en soirée au lieu d’assister uniquement aux représentations offertes traditionnellement en matinée à cette clientèle. Un des obstacles qui est évoqué souvent par les diffuseurs pour parvenir à la réalisation de cet objectif est le manque d’appui des enseignants, des directions d’écoles et des chefs de départements qui manifesteraient peu d’intérêt personnel envers les spectacles de théâtre et d’autres disciplines. De ce fait, ils ne seraient pas en mesure d’encourager leurs élèves à devenir des spectatrices et de spectateurs de plein droit.

Ces plaintes à l’égard des enseignants en provenance du milieu des arts ne datent pas d’hier. Je les entends depuis 1980, année à laquelle j’ai fait mes premiers pas dans le monde des arts et de la culture. Elles proviennent des perceptions des diffuseurs à l’égard du rôle des enseignants à titre de passeurs culturels. Comme l’affirmait l’ancien ministre québécois de la Culture et des Communications, Luc Fortin, en 2017 :

Les enseignants jouent un rôle déterminant dans la vie de nos enfants. Dès leur entrée à l’école, ils leur font découvrir la richesse des arts et de la culture. (…) Notre gouvernement est heureux de soutenir (…) l’enrichissement de la formation culturelle des jeunes, qui encourage les partenariats et qui élargit les liens culture-éducation au domaine de l’enseignement supérieur.

Ces récriminations sont-elles fondées ? J’aimerais, chère lectrice et cher lecteur, connaître votre opinion à ce sujet.

Disons, pour les besoins de la cause, qu’il n’y a jamais de fumée sans feu. Comment peut-on convaincre un plus grand nombre d’enseignants de s’intéresser aux arts non seulement pour le mieux-être de leurs élèves, mais à titre de personnes motivées à part entière ? Doit-on les considérer comme étant des non-consommateurs atypiques (ils possèdent l’éducation et les revenus nécessaires, mais choisissent de ne pas participer à des activités culturelles) ? Est-ce une simple question de préférence de leur part ? Des enseignants m’ont déjà dit qu’ils ne fréquentaient pas les lieux culturels en soirée simplement pour éviter de se faire poser des questions par des parents soucieux d’en apprendre davantage sur le rendement scolaire de leurs enfants.

D’autres facteurs peuvent aussi être en jeu. Selon ma collège Lianne Pelletier, les non-consommateurs atypiques « sont souvent des personnes gênées, introverties et inconfortables avec la dimension sociale des arts. Ils se privent d’expériences artistiques pour cette raison ». Pour les gagner à la cause des arts, Lianne suggère de faire appel à des gens dans leur entourage, amateurs des arts, qui peuvent influencer leur jugement et, au besoin, les accompagner dans leurs sorties.

Pour ma part, je crois qu’il faut voir les enseignants comme des personnes à part entière et non seulement comme des passeurs ou des intermédiaires. Les diffuseurs ont intérêt à développer des rapports directs avec eux au même titre que toutes les autres clientèles qu’ils courtisent. Si surmonter sa gêne et le besoin d’accéder à un peu d’anonymat sont des facteurs, pourquoi les diffuseurs ne créeraient-ils pas des clubs d’enseignants pour les regrouper, leur permettre de socialiser entre eux, de prendre place côte à côte dans un lieu et d’échanger avec les artistes et leur diffuseur local sur les expériences qu’ils ont vécues ? Un ami qui est maintenant retiré du milieu de l’éducation avait institué un tel club pour ses collègues de travail et ils se rendaient tous ainsi au théâtre après avoir casser la croûte ensemble.

Je ne propose pas une panacée, mais si les perceptions des diffuseurs sont justes et compte tenu du rôle qu’on attribue aux enseignants, aux directions d’écoles et aux chefs de départements dans notre société, remédions à la situation. Vos suggestions et vos commentaires sont les bienvenus (je vous prie de proposer des solutions plutôt que de vous en tenir à des doléances, s.v.p.).

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