Comment recruter de jeunes lectorats

Il y a quelques années passées, alors que j’étais conférencier invité à un événement organisé par un conseil de la culture de la région de Québec, une participante active dans le secteur de l’enseignement m’a demandé comment elle pouvait amener plus d’élèves du secondaire à s’intéresser à la littérature classique.

Je lui ai dit qu’il me semblait plus important pour ces jeunes personnes de s’intéresser d’abord à la lecture, en faisant appel à leurs préférences personnelles, plutôt que de les obliger à lire des œuvres, importantes certes, mais qui pourraient les rebuter. Inutile de vous dire que ma réponse ne lui a pas plue.

J’ai trouvé récemment une certaine validation de mon opinion dans un texte publié dans le quotidien Le Devoir intitulé Former des lectrices et des lecteurs, signé par l’écrivain Yvon Rivard.

L’auteur s’y demande « pourquoi l’enseignement de la littérature au collégial ne suscite-t-il pas plus d’enthousiasme chez les élèves ? Pourquoi la lecture d’œuvres littéraires n’est-elle pas, au centre de la formation générale, le cœur d’où irradie la pensée ? Pourquoi y a-t-il si peu de lectrices et de lecteurs à une époque où tout le monde écrit, ne serait-ce que sur les réseaux sociaux, comme si on pouvait écrire sans lire, sans faire le détour par les œuvres qui ont lu l’univers avant nous ? »

Il propose comme solution d’en revenir, en quelque sorte, à la genèse de ces œuvres pour piquer la curiosité des élèves et tisser des liens avec leur vécu.

« Quelqu’un, un jour, a été frappé par un lieu, une personne, une idée, un événement, une œuvre, et se met à écrire pour essayer de conserver, de transformer, de supporter ce qui lui est arrivé. Quelqu’un, un jour, a été exposé à quelque chose qui le dépasse, quelque chose de beau ou de laid, d’heureux ou de malheureux, de familier ou d’étrange, qui l’oblige à s’arrêter et à écrire pour pouvoir continuer de vivre mieux ou autrement, à la fois plus fort et plus vulnérable. C’est cette expérience que l’élève doit d’abord et surtout retracer dans l’œuvre, c’est à une expérience semblable qu’il est convié, et pour cela nul besoin d’être savant, il suffit de lire et de relire jusqu’à ce que l’œuvre s’imprime en vous, éveille ou réveille en vous ce que vous aviez oublié ou ne vouliez pas (re)vivre, car “à l’âge de quatre ans, on a déjà fait l’expérience d’à peu près tout ce dont un écrivain de fiction a besoin : l’amour, la douleur, la perte, l’ennui, la rage, la culpabilité, la peur de la mort” » (Nicholas Delbanco).

Cette approche me semble judicieuse aussi pour quiconque cherche à introduire les arts aux adolescents et aux jeunes adultes, soit de parler d’une œuvre (pièce de théâtre, chanson, roman, poème, sculpture, etc.) en dressant des parallèles entre les intentions des artistes et les expériences que ces personnes vivent quotidiennement.

Elle est tout particulièrement d’à-propos dans un contexte linguistique minoritaire où la consommation des arts en français ne soulève pas l’intérêt des ados qui se gavent plutôt d’œuvres en anglais. Au lieu de mettre l’accent sur l’obligation de consommer en français, pourquoi ne pas parler plutôt des idées et des émotions véhiculées dans les œuvres d’artistes francophones et comment celles-ci s’apparentent à leurs préoccupations. Ce faisant, les arts en français leur sembleront moins rébarbatifs. Il y a là une démarche qui mérite d’être explorée.    

P.-S. J’effectue un retour à la consultation à titre d’expert-conseil en développement des publics pour les arts après un détour de huit mois dans l’univers des médias. Je suis disponible de nouveau pour vous aider à vous doter de stratégies pour conserver vos clientèles courantes et en courtiser de nouvelles, animer des formations, agir comme mentor ou comme conférencier lors de votre prochain événement. Contactez-moi et nous en discuterons : denis@dbertrand.com. Merci !     

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