Mettez de l’avant votre artiste en résidence
Le numéro de septembre 2016 de la revue L’Actualité contient un article intéressant sur l’échange de l’ancien défenseur étoile du Canadien de Montréal, P.K. Subban, aux Predators de Nashville, de la Ligue nationale de hockey, et sur la mise en marché du sport au 21e siècle (P.K. Subban et le complexe du «petit pain», d’Olivier Bouchard).
Subban y affirme que «le sport est un divertissement et les partisans doivent avoir envie de regarder le match, ils doivent avoir envie d’acheter un billet pour assister au match.» Il déplore que la Ligue met en marché ses équipes «alors que les autres grands sports vendent à la fois des équipes et leurs vedettes.»
L’auteur de l’article, Olivier Bouchard, mentionne que «les réseaux sociaux font des meilleurs joueurs des vedettes», que «chaque nouvelle plateforme est une occasion supplémentaire (pour ces athlètes) d’atteindre leurs admirateurs directement.»
Il donne en exemple le site The Players’ Tribune sur lequel des athlètes, actifs dans une variété de sports aux États-Unis, partagent des histoires personnelles et y mettent de l’avant leur individualité «au lieu de se présenter comme l’engrenage d’une machine. Cette façon de faire témoigne d’une volonté contemporaine de placer les personnes au cœur de la mise en marché du sport», et ce faisant, de rapprocher les partisans de leurs idoles et vice-versa.
Le monde des arts et de la culture peut tirer des leçons de ces approches. En effet, la promotion d’une nouvelle saison littéraire ou d’une nouvelle saison de spectacles se fait souvent à l’enseigne de la maison d’édition, du lieu de diffusion ou du producteur. Qu’en est-il des personnes qui ont créé cette programmation ou déterminé quelles œuvres allaient se retrouver entre les mains des lectrices et des lecteurs? Eh bien, on les aperçoit surtout lors d’un lancement ou d’une entrevue accordée aux médias, puis elles s’effacent derrière leurs produits ou l’organisation qu’elles représentent. Autrement dit, on promeut surtout l’équipe.
Il est peut-être temps pour les organismes artistiques, à l’instar des entreprises sportives professionnelles, de mettre de l’avant leurs artistes en résidence (direction artistique, éditrice, chef d’orchestre, conservateur, etc.) aux côtés de leurs marques tout au long de l’année. Oui, les gens s’associent encore aux marques (à une compagnie de théâtre, à un orchestre, à un diffuseur, à une galerie, etc.), mais ils s’identifient aussi aux personnes qui les dirigent, qui incarnent et fréquentent ces organisations.
Le Théâtre français du Centre national des arts (Ottawa, ON) va un peu en ce sens avec ses promotions sous le thème Le Théâtre français chambardé par Brigitte Haentjens. Par contre, j’aimerais bien voir Brigitte un peu plus souvent, l’entendre m’expliquer ces choix pour me convaincre de m’abonner ou d’acheter un billet, au lieu de recevoir une invitation corporative (qui peut être personnalisée, soit dit en passant).
Ma collègue, Diane Chevrette, et moi adressons déjà des recommandations en ce sens à certains de nos clients. Par exemple, une compagnie de théâtre a embauché une nouvelle direction artistique il y a deux ans. Son arrivée n’est pas passée inaperçue. Par contre, vingt-quatre mois plus tard, peu de gens connaissent vraiment cette personne malgré sa présence à certaines représentations. Pour corriger la situation, nous proposerons à la compagnie et à sa direction artistique que cette dernière soit la tête d’affiche du théâtre, qu’elle soit intégrée à ses publicités, qu’elle participe, autant que faire se peut, à un plus grand nombre d’activités promotionnelles qui la mettront en contact avec le public.
Il est bien possible que certains artistes en résidence s’offusquent qu’on leur demande de participer ainsi à la mise en marché de leurs produits. À celles-ci et ceux-ci, je dis : qui est mieux placer que vous pour en parler?
Aux responsables du marketing et des communications, je recommande ce qui suit : planifiez à l’avance l’emploi que vous ferez de votre artiste en résidence tout au long de la saison. Anticipez des scénarios où son apport serait essentiel, développez des stratégies et présentez-les. C’est en étant mieux connu des vos publics et de vos partenaires que votre artiste pourra les influencer.
Je vous quitte avec cette citation de la romancière et dramaturge finlandaise, Maria Jotuni, qui me semble de circonstance :
Une bonne action invisible n’est pas rentable.