Retour sur l’importance d’articuler un discours qui peut toucher le public
Je vous ai parlé récemment de l’importance pour le milieu des arts et de la culture de développer un discours « pour sensibiliser vos interlocutrices et vos interlocuteurs à qui vous êtes et à ce que vous faites et pour les persuader de vous appuyer au-delà de l’achat d’un billet, d’un CD ou d’une œuvre quelconque. »
Je vous avoue que cette question me préoccupe ces jours-ci. En effet, je ne suis pas convaincu que les artistes et les organisations qui les soutiennent savent comment s’adresser au public pour soulever et conserver son intérêt pour les arts, après la promotion d’un événement ou d’un produit en particulier. Je généralise sans doute, mais j’ai entendu et lu suffisamment d’entrevues, de communiqués et d’infolettres pour être en mesure de dresser un tel constat.
L’articulation d’un discours capable d’intéresser et de toucher les gens est devenu crucial dans un environnement où artistes et organismes ne peuvent plus compter uniquement sur des subventions pour survivre et croître. Le soutien direct du public est dorénavant essentiel. Pour l’amadouer, il faut d’abord être sincère, transparent et capable de trouver les bons mots pour l’atteindre. Première étape pour y parvenir : remisez dans un tiroir le jargon du métier, les tournures de phrases destinées aux fonctionnaires et aux membres de jurys, de même que le contenu de vos discussions entre pairs. Deuxième étape : celle de l’essai et de l’erreur. Vous ne trouverez pas spontanément les formules magiques pour convaincre tout le monde, mais il faudra vous ajuster et perséver en tenant compte des réactions que vos propos soulèvent chez les gens que vous rencontrez.
J’ai découvert récemment un bon exemple d’un discours intéressant portant sur l’art de raconter des histoires au théâtre au 21e siècle, présenté par la codirectrice artistique de la compagnie SITI de New York et enseignante en mise en scène à l’Université Columbia, Anne Bogart. Son auditoire : des étudiants du secondaire.
En voici les faits saillants :
- Nous racontons des histoires pour jeter des ponts entre les artistes et le public, pour nous rappeler des histoires devenues invisibles parce que trop difficiles à aborder autrement, pour forger notre identité commune, pour envisager l’avenir.
- Les histoires que nous racontons proviennent des gens qui nous ont précédés, qui n’ont peut-être pas eu la chance de s’exprimer pleinement.
- Ces histoires doivent être présentées efficacement, en faisant appel à de nouvelles approches, à une expertise technique, à de la passion et à un message qu’on veut partager.
- Il faut trouver les bons mots pour se présenter au public. Les mots sont comme des clés : vous n’avez peut-être pas toujours en main la bonne clé pour la bonne serrure, mais vous savez que les bons mots peuvent vous ouvrir des portes.
- Le monde du théâtre doit parler de son travail avec enthousiame. Son métier, c’est de cultiver l’enthousiasme. Il faut avoir le goût de partager nos histoires ouvertement.
- Lorsque le public assiste à une pièce de théâtre, il assiste à deux productions. D’abord, il y a l’histoire qu’on lui raconte. Puis, il y a la dynamique entre les comédiens. Comment ceux-ci se débrouillent-ils? S’entendent-ils? Enfin, il y a le rapport avec le public. Comment ce dernier se sent-il? Les comédiens communiquent-ils efficacement avec lui et vice-versa?
- Vous ne pouvez forcer une personne à changer d’opinion uniquement à l’aide de faits. Il faut plutôt faire appel à ses émotions.
À mon avis, Mme Bogart décrit simplement et clairement le rôle du théâtre. Son discours est accessible, senti et adapté à son auditoire. Il n’est pas nécessaire que vous soyez d’accord avec la teneur de sa présentation. Ce sont plutôt les caratéristiques de celle-ci qui devraient vous inspirer la prochaine fois que vous irez à la rencontre du public.