Le Livre blanc sur les arts et la culture francophones en Ontario dresse un portrait plutôt sombre du milieu
L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) a dévoilé la semaine dernière le contenu de son Livre blanc sur les arts et la culture. Ce document orientera les démarches qu’entreprendront l’AFO et le secteur des arts auprès des instances gouvernementales, dans l’espoir de trouver des solutions aux défis qu’y sont énumérés.
Le document dresse un bon portrait de la situation. Il présente les intervenants concernés, quantifie le plafonnement du financement public qui persistait depuis plusieurs années au niveau provincial (le Budget 2017 de l’Ontario comprend une augmentation des allocations du Conseil des arts de l’Ontario de 20 $ millions, répartis sur quatre ans ; cette nouvelle est sortie après la rédaction du Livre blanc), révèle l’impact du sous-financement sur le fonctionnement des organismes et les conditions de travail des artistes, traite des défis liés à la diffusion des spectacles et des produits culturels francophones, ainsi que des obstacles au rayonnement des arts et de la culture en Ontario français.
Malgré la justesse des informations qu’il contient, le Livre blanc dresse un portrait plutôt sombre du milieu. On y fait peu de place à ses réalisations. Il me semble qu’il aurait été avantageux de parler aussi des accomplissements des organismes et des artistes, malgré les contraintes qui leur sont imposées, afin de démontrer que le secteur est bien vivant et actif. Je pense, entre autres, à l’impact des festivals artistiques en milieu scolaire organisés par Théâtre Action (TA) et l’Association des professionnels de la chanson et de la musique (APCM), à l’importance de Contact ontarois, au Gala des prix Trille Or de l’APCM, aux tournées provinciales et nationales des artistes en chanson-musique et des compagnies de théâtre, au dévouement des diffuseurs pluridisciplinaires et des organismes de services, à la notoriété des auteurs et des artistes des arts visuels et médiatiques qui comptent sur de nombreux fidèles ici et ailleurs au pays, etc. Tout n’est pas parfait, bien sûr, mais en évitant d’illustrer le dynamisme qui caractérise le milieu, on ne lui rend pas justice. Il me semble qu’il est plus tentant d’investir dans une affaire qui va relativement bien malgré tout que dans une affaire au-dessus de laquelle pend l’épée de Damoclès.
Je déplore aussi le fait que le document met presque toute la responsabilité pour « secourir » le milieu sur les épaules des gouvernements, comme si les gestionnaires des arts et de la culture et les artistes étaient incapables de trouver et de mettre en œuvre leurs propres solutions. Je pense, entre autres, à des éléments compris dans la troisième section du Livre blanc qui porte sur mon sujet de prédilection (Favoriser le rayonnement accru des arts, de la culture, et des produits culturels francophones de l’Ontario). J’étais heureux tout d’abord d’y lire ce qui suit :
Le secteur artistique et culturel doit donc se pencher sur la participation publique et entreprendre des démarches soutenues de développement, de diversification, et de fidélisation de nouveaux publics. La bonne nouvelle est que, grâce aux médias sociaux, entre autres, les artistes et les organismes artistiques sont, plus que jamais, en mesure de participer et de contribuer à la promotion de leurs productions en tournée. De plus, les artistes et les organismes artistiques sont de plus en plus conscients du fait qu’ils doivent concurrencer une panoplie d’expériences culturelles, facilement accessibles à l’aide d’une manette et à partir d’un divan. L’avenir est aux partenariats pour quiconque souhaite assurer que les publics seront au rendez-vous lorsque les artistes de l’Ontario partiront en tournée.
Que le gouvernement de l’Ontario finance une campagne de promotion pluriannuelle de la culture francophone à l’échelle de la province.
L’Ontario compte déjà une francophonie parmi les plus diverses en Amérique du Nord. Cette diversité grandissante est une ressource à développer et une richesse inestimable sur le plan des arts et de la culture. Or, les artistes issus de la diversité culturelle trouvent trop peu souvent une place d’honneur au sein des regroupements artistiques et culturels existants. Ils peinent à accéder au financement public qui dépend souvent de la décision d’un groupe de « pairs » qui ne connaissent pas suffisamment leurs homologues ethnoculturels ni leurs pratiques artistiques (…) Peu nombreux sont les administrateurs francophones issus de la diversité culturelle à la barre d’un organisme établi ou encore élus aux conseils d’administration (…) Le milieu doit se doter d’outils et d’expertises ainsi que développer et mettre en œuvre des stratégies qui favoriseront l’intégration réelle des artistes, des travailleurs et des bénévoles issus de la diversité culturelle.
Si tu ne colores pas la scène, tu ne coloreras pas la salle.
Tes observations sont une fois de plus très à propos, mon cher Denis. Je suis moi aussi très content que le Livre blanc (et ton billet) ne fasse pas l’autruche face à la difficulté qu’a la communauté artistique franco-ontarienne à accueillir les artistes de la diversité culturelle. Nous sommes trop peu nombreux pour nos permettre de tourner le dos à un artiste ou à un travailleur culturel en raison de critères (ou, pire, de préjugés) discriminatoires ou par simple ignorance. Nous sommes en 2017.
Merci Frédéric.