2 réflexions récentes sur les rapports entre le théâtre et les publics
Les deux réflexions dont il est question aujourd’hui se penchent chacune à leur façon sur les rapports que le milieu théâtral doit entretenir avec ses publics. On peut même dire que le second répond au premier.
- Critique de théâtre au quotidien Chicago Tribune, Chris Jones, est d’avis que le milieu de la presse écrite et du théâtre doivent relever des défis similaires imputables, entre autres, aux changements technologiques qui favorisent une consommation en ligne plutôt qu’en personne ou sur papier. Il a constaté une chute importante des ventes d’abonnements au théâtre aux États-Unis, parfois de l’ordre de 25 %. Il mentionne que les théâtres ont intérêt à conserver leurs abonnés puisque ce sont des clients fidèles. Il n’en demeure pas moins qu’ils doivent aussi courtiser les jeunes de la Génération Y qui sont moins loyaux et plus volages. Il donne en exemple les décisions récentes prises par la compagnie de théâtre locale Steppenwolf qui a décidé de réduire le nombre de représentations de ses spectacles, tout en ajoutant une production supplémentaire à sa saison dans l’espoir de diversifier sa programmation et de rejoindre de nouveaux publics. Steppenwolf a choisi aussi de décloisonner ses activités en présentant des œuvres de plus petits formats dans un lieu alternatif susceptible de plaire à de plus jeunes publics, situé à proximité d’un bar et d’un café. M. Jones écrit que les théâtres ont le choix de se réinventer pour rejoindre de nouvelles clientèles, exercice qui ne se fait pas sans heurt, ou de maintenir le statu quo en desservant les mêmes clientèles dans l’espoir que de nouvelles personnes gagneront leurs rangs (notamment les personnes âgées).
- Pendant ce temps, il se tenait à Montréal un colloque ayant pour titre Théâtre. Liberté. Scandale. Que peut le transgressif pour les arts de la scène ? On y a abordé, entre autres, les éléments qui peuvent engender un scandale. Le journaliste du quotidien Le Devoir, Alexandre Cadieux, rapporte qu’une partie des discussions ont aussi porté sur les rapports entre les artistes et les publics. «Le hiatus entre l’intention et la réception, autrement dit le fait qu’entre ce que l’artiste souhaite transmettre ou créer chez le spectateur et les éventuels effets de l’œuvre sur le public, il peut se creuser un fossé bien difficile à prévoir», écrit-il. «Impossible pour l’artiste de contrôler ce qui fera son chemin ou pas dans chaque spectateur au contact de l’œuvre. Relèverait alors du politique la place réservée au spectateur à l’intérieur de l’œuvre, sa pleine liberté de participer à l’élaboration du sens s’il le désire, et ce, sans se limiter aux seules expériences dites participatives. Est plus susceptible d’atteindre une certaine forme d’émancipation la personne traitée comme un égal plutôt que celle considérée comme quelqu’un à convaincre ou à réveiller.»
Je salue le courage des organismes artistiques et culturels qui innovent dans le but de rejoindre de nouvelles clientèles, puisque le statu quo me semble insoutenable à moyen et à long termes. Il faut aussi dialoguer avec le public plutôt que lui imposer un monologue qui ne tient compte ni de ses intérêts ni de ses perceptions.